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Lettre des enseignant.e.s – chercheur.e.s non titulaires

LNous, une partie des enseignant·e·s et chercheur·euse·s non titulaires de l’Université Paris-Dauphine, nous sommes réuni·e·s ce lundi 2 mars 2020. Nous appelons à faire grève pendant l’intégralité de la semaine du 5 au 11 mars, comme le feront certain·e·s d’entre nous, en accord avec l’appel à la grève reconductible lancé par la coordination des facs et laboratoires en lutte le 1er février 2020. Nous appelons les titulaires à en faire de même. Nous appelons aussi à la rétention des notes et tout particulièrement au soutien des enseignant·e·s chercheur·euse·s titulaires à ce mode d’action. Étant donné le fonctionnement des activités pédagogiques, il est particulièrement difficile pour des doctorant·e·s, des ATER, des post-docs ou des vacataires d’assurer seul·e·s le poids d’une telle rétention des notes, tout comme il est leur est difficile d’assurer seul·e·s le poids d’une grève.

La journée du 5 mars est une journée de mobilisation contre la réforme des retraites et la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche  (LPPR) qui s’annonce massive. Nous sommes opposés à ces deux projets : l’un et l’autre visent à dégrader les conditions de travail des enseignant·e·s chercheur·euse·s et à compromettre l’enseignement supérieur et la recherche dans son ensemble. Les propositions des groupes de travail de la LPPR, les premières déclaration de Frédérique Vidal, ainsi que les fuites du projet de LPPR montrent qu’aucune mesure ne vise à résorber la précarité à l’université. Au contraire, tout laisse présager qu’elles l’empireront.

Des assemblées générales de laboratoires, de départements et plusieurs présentations de la LPPR ont déjà eu lieu à Dauphine afin de sensibiliser les personnels et étudiant·e·s aux effets prévisibles du projet de réforme. Nous voulons ici insister sur la manière dont les nouveaux types de contrats envisagés par ce projet aggraveront la précarité des jeunes chercheur·euse·s. D’une part le développement des « tenure tracks » va augmenter la période d’instabilité en début de carrière : être à l’essai pendant 5 à 7 ans sans aucune certitude d’être titularisé·e veut dire que le premier poste permanent d’un·e chercheur·euse sera obtenu, en moyenne, à 40 ans alors qu’aujourd’hui il est obtenu à 33 ans pour les chargé·e·s de recherche et à 34 ans  pour les maître·sse·s de conférence. D’autre part les « CDI de projet », conséquence immédiate du mode de financement par projets qui devrait considérablement s’accroître d’après les rapports, placeront les personnes employées dans une situation incertaine et imprévisible, tributaire du moindre échec à un contrat ANR, une bourse ERC ou un autre projet. La précarité structurelle que fait peser le fonctionnement de l’ESR sur les jeunes chercheur·euse·s produit d’ores et déjà des inégalités territoriale et sociales inacceptables d’accès aux ressources financières et aux postes. Nous ne voulons pas de ces nouvelles créations juridiques qui empireront le phénomène. Nous lui opposons un plan de recrutement massif d’enseignant·te·s chercheur·se·s titulaires, seule moyen de garantir une recherche indépendante et de qualité, dont les membres ne passent pas plus de temps à chercher des financements qu’à produire de la connaissance et des enseignements de qualité.

Le projet de réforme LPPR, ainsi que les réformes qui l’ont précédé depuis plusieurs années, ont très précisément évité de mettre cette solution à l’agenda. Au contraire, ils ont eu pour effet d’affaiblir la centralité des statuts de fonctionnaires au sein de l’ESR. Sans plan de recrutement massif, il sera ainsi très logiquement impossible de maintenir l’attractivité du statut de maître·sse de conférence ou d’assurer les conditions de travail qui garantissent son efficacité scientifique et pédagogique. Il suffit de regarder les chiffres : entre 2012 et 2018, alors que l’on compte 14% d’étudiant·e·s supplémentaires, selon une tendance toujours continue, le nombre d’enseignant·e·s chercheur·euse·s titulaires n’a augmenté que de 1%. Pire, le nombre de recrutement est en baisse de 40% sur la même période. Au lieu de proposer des créations de postes, les rapports LPPR proposent d’augmenter toujours plus la charge de travail des enseignant·e·s chercheur·euse·s actuel·les : suppression de la limite des 192h d’enseignement par an – ce qui se fera probablement au détriment de la recherche et des possibilités d’évolution de carrière pour certain·e·s chercheur·euse·s- et recrutement des enseignant·e·s non chercheur·euse·s pour combler le déficit en heures d’enseignement.

Face à cette destruction de la recherche publique, nous pensons qu’une recherche publique indépendante et non-précaire est possible. Mobilisons-nous pour la faire advenir. 

Des enseignant·e·s chercheurs non titulaires du LAMSADE, du LEDa et de l’IRISSO.

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